OEUVRES SERIES 1987-2005
Tondos palissés 2005
Géographies 2004
Vies intérieures 2003
Les Muliportraits 2002
Les Tondos 2001
Images numériques
2000
Les écorchés 1999
Les échecs 1998
Les papiers peles 1997
Les papiers grattés 1996
Les palissades 1995
Les Histoires naturelles 1994
Les papiers déchirés 1993
Bois et verre 1992
Les Unichromes 1992/91
Les papiers découpés 1991
Les points virgules 1990/89
Les tirets 1988/87
Les échiquiers
Les photos grattées
Les livres
Les tableaux à lire
SERIE DES TONDOS PALISSADES 2005
L'histoire de Guillaume Le conquérant n'aurai-t-elle d'intérêt qu'à travers la tapisserie de Bayeux et la Tour Eiffel qu'avec Delaunay ? Le Pont du Gard, l'Aiguille d'Etretat…peut-on peindre de tels sujets sans risquer l'anecdotique ? Est-il acceptable de citer Vermeer, Vélasquez, Corot…? Tout en restant fidèle à sa démarche de renouvellement, série après série, pour échapper au Style, Dominique DIGEON poursuit sa recherche vers l'affinage du trait, de la limite, du bord dans la peinture. Regroupées autour du titre Histoire et Géographie ses dernières œuvres constituent un mixage du process des papiers pelés (technique que Dominique Digeon a inventé en 1997 et développé avec les écorchés en 1999 et les Tondos en 2003) avec celui de la série des Palissades de 1995. Elles prolongent et accentuent la mise en coïncidence de la structure des éléments peints avec la matérialité du support, pour interroger le concept de l'origine par : la redécouverte, la réapparition, l'entre deux, la dé-superposition…le retour sur soi.
De l'érosion des papiers à l'érosion de la falaise ; de la coupe architecturale à la découpe du support ; des volutes inséparables de l'eau et de l'air d'un paysage marin à l'enroulement d'un cerne ; des trous dans la toile à la Tour Eiffel cette structure pleine de vide… Jusqu'à l'introduction récente de la référence au tissage déjà induite par l'éfilochâge et la couture, les variations de Dominique DIGEON autour de lieux (géographie) ou de personnages (histoire), confirment l'intime implication du faire dans la présence du sujet : la quête du Graal d'une théorie Unitaire
SERIE DES GEOGRAPHIES 2004 La série des Géographie qui s'étend en fait autant sur 2005 que sur 2004 est un ensemble de variations autour d'un lieu, port ou bord de mer : Sanary, Port la Galère, le Pont du Gard, le Mont Saint Michel… Associé ou non à un personnage (Pierre Cardin, le Roi Harold, Guy De Maupassant, Guillaume le conquérant, le pape Innocent III…) ou à une citation (Hyppolite Flandrin, Vélazquez, La tapisserie de Bayeux…) Par exemple l'Aiguille d'Etretat : - peinte en découpe et volume sur panneau de bois avec papiers au verso et unichrome au recto - peinte sur tondo de toile avec un écorché (le Horla, voir les tableaux à livres) - sujet d'un livre enrichi (la Joie de Vivre Emile Zola) - support d'un grattage - base d'une image numérique…
VIES INTERIEURES SERIE DES ECORCHES 2003 La première série des écorchés date de 1998, entre celle-ci et la série de 2003 : les parties d’échecs peintes 1999, les images numériques 2000, les multiportraits 2001, les tondos 2002 . La technique et la mise en œuvre restent les mêmes, elles leur a donné leurs sens et leur noms : caséine et papiers pelés sur toile. Les sujets aussi (citations d’œuvres ), cette nouvelle série diffère surtout par les formats et une approche différente du terme : écorché . La série de 1998 se rapprochait davantage du thème des Vanités, certaines pièces ont été présentées en février 2001 dans l’exposition de groupe ( Bourgeade, Chamant, Journiac, Maccheroni, Ughetto, Paraschiv ) à la galerie A l’Enseigne des Oudin...
MULTIPORTRAITS 2002 En août 2000 Dominique Digeon illustrait le "Surmale" roman moderne d'Alfred Jarry - 1920 - évoquant un indien aux muscles saillants et à la peau cuivrée. Il y a un siècle, Jarry imaginait l'idolâtrie actuelle de la performance tant sportive qu'amoureuse, l'observation clinique qui en est faite, l'usage de tous les dopants contemporains, la route ouverte vers l'immortalité...! Dominique Digeon lançait métaphoriquement sa silhouette d'indien dans une rotation compulsive : l'idéee du MULTIPORTRAIT était posée. Sa pratique récente du livre d'artiste , liant gravure, calligraphie et infographie, en inventant une nouvelle facture d'enrichissement du livre par gattage et soustractiona aussi été l'occasion d'une nouvelle manipulation de la photographie : le MULTIPORTRAIT obtenu par cette rotation de silhouettes issues de portraits photographiques et déclinés en cinq couleurs. Redoutant l'expressionmix-média ou technique mixte, d'une certaine sécheresse ou d'une grande imprécision, on lui reconnaîtra sa passion maitrisée du "mélange" ajoutant cette fois le paramètre du format rond à sa longue liste de gestes et moyens qui concourent à "cristalisation". Alain Oudin avril 2002
RONDELS ET TONDOS 2001 " Tout rond A tant tourner autour du carré il fallut atteindre le cercle. A tourner dans le cercle il fut difficile d'en trouver le centre. D'un centre à l'autre apparurent des courbes. D'une courbe l'autre : d'autres centres, d'autres cercles. Découpe des courbes, découpe des formes, Des papiers, pâtes, écritures et images. Incision, pelage, grattage et bris de verre…"
LIVRES ET IMAGES NUMERIQUES 2000 " L'intelligence à deux pôles : un pôle d'unification par la raison et un pôle de diffusion par la pensée " Jean Carteret. Reste à naviguer entre ces deux pôles aidé d'une carte ronde ou d'une boussole carrée. Concentrer, coaguler, cristalliser, un univers mental de possibilités incalculables comme celui du jeu d'échecs par une codification des formes, couleurs, fonctions et la réduction à un temps unique, le déroulement d'une partie entière. Délier, multiplier, déplier par auto-citation, autoréférence dans l'oscillation d'un portrait qui pendule. Une parthénogenèse, un clonage : un multi-portrait. Car " C'est un inestimable bien de s'appartenir à soi même" Sénèque : unification " J'aurai porté une société entière dans ma tête " Balzac : diffusion
LES ECORCHES 1999 " Les écorchés font référence à des oeuvres du passé d' où la mention citation : Durer, Fontainebleau, et même Léonard... mais la plupart trouvent leurs sources dans Vélazquez : les bouffons, les nains, les enfants...Mais la représentation va au delà du dépouillement de la peau qui permet traditionnellement aux études de beaux arts les dessins d'anatomies. L' ensemble des organes internes apparaîssent partiellement, plus ou moins en état de décomposition malgré leurs couleurs chatoyantes et se rapprochent par conséquence davantage du genre des VANITES . C 'est pourquoi quelques unes de ses pièces ont été présentées sous ce thème a l' exposition " Figures singulières et Vanités " consacrée aux " Vanités " de Charles Lapique et étendue aux aspects contemporains de la Vanité ( prétention, complaisance, suffisance…) textes et images de la mort
LES ECHECS 1998 L' amour de l' échiquier Fascination du jeu d' échecs ! Ce n' est pas un jeu de hasard, mais de choix, comme la vie. Et aussi compliqué. Impossible d' en nombrer toutes les combinaisons. On connaît l' histoire du grain de riz doublé à chaque case qui ruina un radjah et donne le vertige de l' infini. Quoi que vous jouiez, l' Autre en multiplie les issues inatendues.Ce n' est donc pas étonnant si l' échiquier a fasciné bien des artistes de notre temps, entre autres Duchamp et Man Ray. Dominique Digeon, l' aime et l' honore en toute humilité. En ses dernières toiles il donne une couleur - forme à chaque pièce et suit les parcours de parties véritablement jouées ( y compris celle où Kasparov perdit contre l ' ordinateur - il est vrai , une seule fois ). Et ces mouvements sont beaux, ce qui prouve que l' intelligence est belle. Mais Digeon vient de loin. Il a vu auparavant le fond de chaque case où nous sommes joués, et où nous apparaissons, comme collages de nos formes, tantôt en bandes dessinées ( qui parfois se rebellent ), tantôt en textes de nos bavardages. Ou bien en " Vanités ", qui ne sont plus des symboles, mais nos corps écorchés. Sans oublier les métamorphoses des pièces l' une dans l' autre…Il y a un philosophe en l 'artiste qu' est Dominique Digeon. Notre société serait - elle un échiquier ? Par Michel Lequenne Politis19 mars 1999
LES PAPIERS PELES 1997 " Le pelage ( retrait de la matiére colorée, papier ou peinture, effectué le plus consciencieusement possible jusqu' à la toile; réalisée au cutter , de façon paralélle au support ) a pour base un fond de peinture sur lequel est rapidement posé un ensemble de papiers préalablement travaillés ( incisés, encrés, peints, froissés, découpés ou déchirés...). Une composition préparatoire est ébauchée, elle est modifiée et complétée lors du collage définitif. Aprés un bon séchage vient le "pelage" retrait épaisseur par épaisseur de toutes les couches de papier jusqu' a la réaparition du fond peint, des bords, des limites de chaque morceaux de papiers. Je m'efforce d'être le plus précautionneux possible, mais lorsque la lame fend ou entame le support et perce le fond, je ne cherche ni à accentuer ni à masquer cet accident." Saint Sauveur d' Hermanville 1997
PAPIERS GRATTES 1996 " Les papiers grattés débutent en 1996 ; seulement deux ou trois grands morceaux de papiers (très peu travaillés) sont collés à même la toile crue puis recouverts d'une bonne couche de peinture acrylique. Un grattage énergique de cette surface peinte, jusqu'au papier voir jusqu'à la toile précède l'arrachage petits morceaux par petits morceaux à la pointe de ce " trop plein ". Cette technique entame le travail de soustraction, d'évidement qui se poursuivra dans les papiers pelés " Dieppe 1996
PASSAGE PALISSADE 1995 "Neuf ou dix bandes de peinture dense se chargent de recouvrir une composition précédemment et prestement peinte sur plusieurs fonds colorés. De haut en bas, la largeur des bandes correspond à la dimension de la spatule utilisée. Elle s'agrandit ou se réduit proportionnellement au format de la toile (N°8 pour un tableau de 100 x 100 cm ; N°20 pour 200 x 200 cm). La peinture très épaisse et mal broyée rend la surface très irrégulière avec des creux et des bosses plus ou moins larges, espacés ou serrés qu'une succession de passages de matière colorée comble ou déplace. Une couleur dominante est tout de même attribuée à chaque bande dans une organisation simple et assez stable : deux couleurs presque complémentaires et une bande placée en troisième position à droite ou à gauche qui propose une autre option de couleur ou de superposition. Entre les bandes disjointes : restent apparentes les traces de la primo - composition, d'où le sous titre de palissade de cette série 1995 "
HISTOIRES NATURELLES 1994 " 1993/94, un fond très épais de matière colorée (caparol + pigments) relativement unis (uni chromes) travaillé à la fourchette, je simplifiais et limitais : les formes, les couleurs, la composition, les limites... par une application directe de mains en positif. Bref, des histoires naturelles " Longeville 1994
LES PAPIERS DECHIRES 1993 " La différence faite entre : papiers pelés, papiers grattés, papiers découpés, papiers déchirés... est technique. Bien qu' il s' agisse de collage de papiers ceux ci se distinguent par la manière de travailler la surface ou les bords, par les outils utilisés, les actions réalisés. La technique appliquée aux papiers déchirés induit une plus grande hétérogénéité des morceaux de papiers utilisés. Les bords éfilochés par la déchirure sont parfois reconstruit partielement par un cerne.L'ensemble est recadré pour en limiter le débordement." Orléans 1993
BOIS VERRES 1992 Une sensation de laitue frisée et de bulles dans les artères ; sur la planète de Dominique Digeon, le trait gigote et la couleur rouspète. Gourmand et généreux, le jeune peintre remplit des grandes toiles à tours de bras, en compilant des traces. Jubilation d'abord, puis composition, système. Sur un fond badigeonné, délimitant des espaces colorés, les pistes se brouillent. Dans le buisson des coups de pinceau, quelques lignes essentielles apparaissent, organisent. Tout le reste est classique : concentrations, développements, contraste, nuances. "J'en rajoute, mais en évitant que çà ne devienne lourd. Il faut trouver un point d'équilibre dans la richesse, avant d'atteindre le superflu. A trop continuer, on risque le précieux, ou le 'crado', en tous cas au détriment de la peinture. Il y a un moment de lassitude de la toile, à prévenir". Mais invariablement, Dominique Digeon repousse le seuil de tolérance de la composition. Parfois le peintre arrête ses oeuvres gigognes à leurs premiers stades. Les dégoulinades s'affichent avec bonhomie, et les manquent fanfaronnent. "Trop finir, c'est fermer, transformer en icône, faire des images un peu trop sages, sacrées." La perspective tourne plus court. Le regard rebondit à la surface. Interdite de plongée, l'imagination se concentre sur le procédé. Pour mieux dénoncer la platitude de l'image, récemment l'artiste s'est mis à coller dessus : des morceaux de verre, des cubes de bois. Nouvelle façon d'animer. A la profondeur classique du dessin, Dominique Digeon préfère le rythme graphique des contrastes. A passer un peu vite, on pourrait trouver la part du hasard et le besoin de l'oubli trop conséquents, dans cette oeuvre. La sincérité et la bonté de l'artiste contribuent à semer le doute. Lorsqu'il dit, par exemple, que sa peinture est "importante, mais pas sérieuse ; comme la bande dessinée", ou qu'il faut "d'abord se lancer, voir ensuite, et avoir à la peinture un rapport de plaisir"... Françoise MONNIN, journaliste, critique d'art, mai 92
LES UNICHROMES 1992/91 "Il y a deux sortes d'artistes : ceux qui se laissent travailler par le verbe du monde et ceux qui ne supportent pas que le monde ait un verbe"*.. Pour qui se contente d'exister, d'être quelqu'un, celui-ci se contentera du calme, de la juste et normale apparence...de quoi ? d'un paysage caché, d'une vision intérieure, d'un décor de lignes, de couleurs, d'une figuration tordue, d'une idée-dée, d'une expression...Bon, mais la peinture de Dominique Digeon ne fait que rebondir sur les approches habituelles du critique. Pourtant, rien de grave, pas de tripes en gros plan, ni de tourmentes malédictionnelles. Ca pourrait être presque joli, à voir, à décorer...De part l'effet, il serait juste de placer ce peintre dans la seconde sorte d'artiste. Mais l'accumulation des couleurs, leur traitement en durée et épaisseur dans les sublimes habitudes de la répétition qui seule permet une constante renaissance.Bref, de part le résultat, le lacher prise semble d'un travail proche de l'automatisme ; il serait vrai de le classer dans la première sorte d'artiste. Juste ou vrai ? difficile, car ses oeuvres participent à ces deux options qui gèrent la Peinture depuis son invention. A des niveaux bien différents certes : la représentation, l'espace, le cadre, l'émotion...les artistes ont tenté soit de dominer la peinture, soit de se laisser générer par elle ; tantôt pour lui forcer ses secrets, tantôt pour qu'elle livre d'elle même son mystère. En fin de siècle et de millénaire, Dominique Digeon prend position dans l'extrême de l'extrême : l'extrême de l'équilibre - l'équilibre de l'inéquilibre : subir le pouvoir profane de la peinture et en activer sa puissance sacrée. Richesse et dénuement - surnombre de la vie et unicité de la matière. De ces extrêmes limites émerge sa poésie. De 1986 à 1992, il a cerné, puis décloisonné, multiplié les couleurs puis recentré les dominantes (les unichromes), décollé ses "fonds de supports", dissout ses "figures dans la surface", à ce jour il démultiplie ces éléments par le collage de verre cassé, de bouts de bois, pour mieux en coaguler les principes essentiels. D'où le dédain de quelqu'un qui cherchant tout ne trouve rien pour lui et le malaise d'une personne qui n'attendant rien en reçoit trop. Solve - coagula, boucher les trous - combler les creux car il faut bien du visible, tant pis pour ceux qui se contentent d'exister, dommage pour ceux qui se laissent vivre, mais bienheureux seront les poètes. André ROC, mai 1992 * Jean Carteret - Dialogue -
LES PAPIERS DECOUPES 1991 Conjoints : des petis morceaux de papiers collés, une peinture monumentale de deux mètres sur six, entre autre. Les peintures : des couleurs, l'autre, le reste : colle, pose, coupe en noir et gris et blanc...bien suffisent. Les peintures : Zip ! arabesquides, virgulatoires et apostrophiques...circulatives... Mais, gare la dégouline ! Les collages : secs, tranchés, cassants et pourtant... Articulez, joignez, soudez il le faut... La couleur : accomodante, mixte...Transparente et dégradé. Mais, gaffe la mélasse...et les papiers donc, si autonomes opaques...tout de même, à relier ! Alors, un zeste de matière, un brin de cerne... Ciseaux, pinceaux en liberté, pour le meilleur ou le pire ? Vas-y-voir ! d'un tableau l'autre... Bezon 1991
" Lorsqu'en prévision à cette exposition, Daphne Behm-Williamme m'a fait déballer toutes les toiles à l'atelier, un groupe s'est formé. Des huiles assez cloisonnées par du noir et utilisant davantage que les autres la lumière en transparence. L'intérêt pour "l'effet vitrail" de ces toiles n'était pas un simple renvoi à un cliché facile sur la cathédrale. Pourtant, du moins en ce qui me concerne, comme peintre, je ne pouvais plus passer à la trappe le travail des maîtres verriers au voisinage de la Galerie. Car la peinture dépasse les murs, elle fait autant partie de l'espace mental qu'architectural. Transpercer la densité, traverser les accumulations, SURpasser la transPARENCE...C'est autour de ces concepts, entre autres, que s'élaborèrent le choix et la création des pièces pour cette exposition, ensuite intitulée un peu pompeusement et un peu par dérision, SURPARENCE..." Chartres 1991
POINTS VIRGULES 1989 / 90 Les oeuvres de Dominique Digeon ne tireraient que des conclusions, en fin de siècle, sur les expériences automatiques de Pollock et les obsessions impressionnistes de Monet ? Discret, le peintre refuse les aveux. Il en a cependant réfléchi les notions, puisqu'il préfère parler de "fond" plutôt que de "support", de "forme" plutôt que de "figure", de préoccupations philosophiques. "A soixante dix ans, j'aurai peut-être réussi à coaguler tous les petits problèmes dans une oeuvre". Pour le moment, l'artiste cherche, maîtrise, se lasse, cherche à nouveau... "Chacune de mes oeuvres n'est pas complète, mais elle solutionne un problème. Elle est un passage". Au fil de ces étapes luxuriantes, Dominique Digeon trame une odyssée sans épilogue. Car en résolvant les difficultés physiques de l'oeuvre chaque toile élargit un peu plus le chemin qui reste à parcourir. Françoise MONIN, Artension juin 92
 
LES TIRETS 1987 Peinture bouffante. Il fait des vagues et des virgules partout, pour lancer son défi à l'infini. Digeon est un couvreur. Meules de foin ébouriffées - Van Gogh, quand tu nous tiens ! - ou anémones de mer effrayées - Grand Bleu, quand tu nous veux ! -, ça bouffe et ça grouille. Kaléïdoscopes lumineux aux accents végétaux tropicaux, les toiles de Digeon dévoilent par échantillons une obsession : la maîtrise de l'espace. Ce graphiste talentueux a trente ans seulement. Cela promet. Françoise MONNIN, journaliste, critique d'art, in 'ARTENSION' mai 91
IMAGES LIBRES Les peintures de Dominque Digeon s'offrent dans un enchevêtrement de figures, couleurs et dessins s'interpénètrent par superpositions combinant alternativement leurs fonctions. Un temps la couleur mène le bal tandis que le dessin vient structurer par une cerne, un contour, une ligne ; quelques points forts permettant d'entrer dans une vision intérieure. Puis, le traitement s'inverse. Le noir vient alors arbitrer, coordonner, orchestrer. Espaces ouverts à l'imaginaire du spectateur : chacun peut y témoigner de sa propre approche du réel ; y décoder ses propres désirs ou appréhensions. La subjectivité ainsi proposée ne doit pas cependant occulter la démarche qui sous-tend le travail de peinture. Par une oscillation du décryptage autour d'un axe insaisissable Dominique Digeon a inventé "l'image libre". Marc CHRETIEN, Paris mai 1987
LIMITES C'est un apparent ecclectisme que le travail de Dominique Digeon propose à notre regard. Mais méfions-nous des apparences. Entre empreinte et limite respire et se déplace une inexorable exploration : des voies empruntées par la trace de l'outil ou de l'empreinte à même la main jusqu'à la limite des papiers découpés ou des bordures des cadres peints, se faufile son jeu. Il donne lieu, par la circulation des formes et des matières, par les linéaments du dessin et de la couleur (vieux débat), par de savants entrelacs, à l'actualisation d'une question : celle d'une origine possible. C'est peut-être pour cela qu'entre empreinte et limite, il y a emprunt : Van Gogh, Matisse, l'art pariétal, sont re-cités, ressucités. Pourtant, la peinture de Dominique Digeon ni les limites, ni limite le regard ou le sens. Elle les laisse poindre sur une écriture sans limite : celle que dessine l'ouvert de sa peinture. Pierre JUHASZ. Agrégé d'Arts Plastiques : Professeur à l'université Paris 8 Saint Denis
Texte pour l' expo d'Oslo 1994 "On pense à nos vitraux du moyen-âge gothique : en un style très construit, très conscient de ses effets, Dominique Digeon, coloriste sûr, s'applique avec bonheur à restituer la fraîcheur et la luxuriance de la vie exprimées dans un mouvement comme perpétuel, en des oeuvres "ouvertes" dont on pressent l'indéfinie prolongation au delà d'une construction assise dans le foisonnement des courbes ou des traces. Le fond de l'inspiration tient peut-être à une méditation attentive aux suggestions d'un chromatisme dominé et, sans doute, à l'intense profusion, comme orientale, de tons organisés autour de dominantes harmonieusement équilibrées. Mais l'intervention, çà et là, de motifs minéraux -éclats de verre, bois réduit à son essence pétrifiable- dénote d'éclatantes connivences avec les grandes composantes naturelles de notre univers. Un appel chorégraphique monte de ces tourbillons figés ou de ces collages qui disent aussi bien l'exultation de la flamme, la placidité de l'eau que de subtiles enlèvements vers un azur transfiguré. Le graphisme très étudié et un indéniable constructivisme laissent à de grandes évasions de rêves qui font de ces peintures au modernisme incontestable des réussites à la fois ornementales et heureuses de vivre." Régis BOYER - Professeur et Directeur de l'Institut des Etudes Scandinaves à l'Université de Paris-Sorbonne. Traducteur des Sagas Islandaises - Edition de la Pleïade
NUITS / PALISSADES " Les pièces de cette série n'ont jamais été présentées, hormis la pièce intitulée " Passage R B V " exposée lors du 40me Salon de Montrouge et vendue à ce jour. Située entre la série des mains et celle des papiers pelés elles ont été réalisées en même temps que les photos grattées et ce fut cette technique de grattage, pelage qui constitua ma quatrième exposition personnelle "Arrachage " à la galerie Alain Oudin en 1996. Peintes en 1994, où Pierre Cardin m'invita un mois durant à " œuvrer " et exposer dans un atelier / galerie sur le quai de Port La Galère, 18 " bandes de couleur " furent regroupées sous le titre d'une série : Passages - Palissades. Les plus grandes sont carrées : cinq toiles de 2 x 2 m, une toile de 1,90 x 1,90 m, sept toiles de 1 x 1 m ; cinq petites sont rectangulaires ( de ces 5 toiles il n' en reste que deux intactes, les trois autres ayant été évidées par un carré central ). Au 10, rue Brantôme qui est comme un cybercafé plus qu'une galerie, ont été sélectionnés neuf tableaux ; quatre carrés de 2 mètres de coté, cinq de 1 mètre sur 1, des formats relativement grands qui remplacèrent au 15 juillet 2000 un " très grand format " : une toile de 2 x 6 m extraite de la série des " Unichromes "de 1992.Ces toiles étaient restées roulées ou rangées depuis presque cinq ans dans l'atelier, j'y trouvai non plus des paravents urbains ( les palissades ) mais des verticales de falaises et de pluies, des horizontales et des froids de pays Cauchois du Horla de Maupassant. Leurs titres initiaux m' apparurent inadéquats ou insuffisants et la plupart furent renommées : " Nuit " ( nuit rose, nuit verte, nuit bleue…). Seule la toile reproduite sur l'invitation garda son nom : Pompéi, encore que je ne sois pas sur, prochainement, de la rebaptisée : " nuit rouge "." Varengeville juillet 2000
LES ECHECS Faire de la peinture comme on construit une partie d'échecs : projection mentale des possibles ; articulation de la succession des choix ; mouvements dans les 2 cas. Je travaille sur le thème du Jeu d'Echecs depuis 1991. J' ai pu y associer la variété des techniques et la diversité de mes recherches plastiques avec l'infini et complexe combinatoire possible du Jeu. Echiquiers de papier, bois, toile ; encre, écriture, peinture, éclats de pièces, verre, acier ; geste de pinceaux... sur des formats carrés de 25 x 25 cm à 2m x 2m, pour : garder la mémoire du combat, tester les combinaisons de couleurs dans l'arrangement des cases, peindre une " partie particulière " , renouer avec le symbolisme associant signe, couleur et fonction présent lors de la naissance et le développement du Jeu de l'orient à l'occident médiéval (croix rosace, cercle pointé... Tour bleue, Cavalier jaune...).
LES PARTIES PEINTES La " partie peinte " se présente comme une succession superposée de diagrammes. Lors d'une intersection , le passage des dernières pièces sur l'échiquier recouvre les précédentes. L'itinéraire des pièces est déterminé par le relevé des coups joués, mais le choix du tracé reste libre , une même partie peinte peut donc présenter hormis le travail pictural du fond des aspects différents . La série des " parties peintes est composée d'une vingtaine de tableaux dans des formats allant de 100 x 100 cm à 200 x 200cm,essentiellement des huiles ou acryliques sur toile . Quelques œuvres intègrent aussi des papiers ,découpés, colorés, pelés…. D' autres associent à la représentation de la partie : des silhouettes ( entières ou écorchées, série des écorchés ,des papiers pelés, des tirets, des cernes…).Une forme déterminée et une couleur permanente sont attribuées à chaque pièce du jeu d'échecs :une croix additive bleue pour la tour, une croix multiplicative jaune pour le fou, une étoile à huit branches noire pour la dame, huit branches rouges arrondies pour le roi, un trident violet pour le pion , une croix emblématique verte pour le cavalier(voir nouvelles codifications).
PARTIES PELEES Une "partie pelée" est une partie peinte dont le pelage ( retrait de la matiére colorée, papier ou peinture, effectué le plus consciencieusement possible jusqu' à la toile; réalisée au cutter , de façon paralélle au support ) a fait disparaitre la trace. Il n'est alors plus possible d' en assurer une lecture suffisament précise pour suivre le diagramme ou reconstituer le déplacement successif des piéces.La partie est : pelée. C'est un travail de soustraction, d'évidement, comme les pièces prises qui s'effacent les unes aprés les autres de la surface de l'échiquier. Les parties pelées s'étalent de 1994 à 1997, en même temps que plusieurs séries utilisant les techniques similaires de papiers colorés collés découpés, déchirés, grattés...pelés.
LES PARTIES TRESSES Chaque joueur tisse sa partie, tresse chacun son tour les nœuds d'un filet qui doit autant assurer la prise ou l'immobilisation de l'adversaire que le revêtement protecteur de ses propres forces. Coup après coup jusqu'à l'instant où on pourra oser dire : " le roi est nu ! " Dans la pratique, les différences s'opposent de visu. Elles sont marquées par l'espace (forme et volume des pièces / plan et géométrie de l'échiquier), la position (vertical / horizontal ), la masse ( mobilité / immobilité ), la présence ( prise des pièces /permanence de l'échiquier ), l'aspect, la texture, la couleur des matériaux (bois/ ivoire). Mais dans la représentation plastique du jeu d'échecs en deux dimensions, (dessin, collage, peinture…), un dispositif dissociant les éléments du jeu repose sur la différenciation d'une dualité des couples de couleurs opposées : celle des pièces et celle des cases de l'échiquier ( blanc / noir, rouge/ vert, brun / gris, clair/ foncé…). Un exemple de solution plastique : le tressage.
MEMOIRE DE PARTIES Si une partie d' échecs se conçoit dans la tête sa matérialisation passe pour l'essentiel par des pièces et ; un échiquier. A l'instar d'une œuvre plastique un support lui est indispensable même si la matérialité de ce support peut se diluer dans un espace virtuel (parties par correspondance, par téléphone, sur Internet…) dans des sons ( parties aveugles )voir entièrement conceptualisé ( parties de coups non joués ). Usée par l'usage la surface d'un échiquier peut - elle garder la mémoire des parties jouées ? . Ne reste - elle pas le témoin du passage des pièces, le réservoir imaginaire des traces de la bataille ? Avec la série des " échiquiers en relief et mouvements ", la série " Mémoires de parties " rend compte sur la surface du tableau qui se confond avec la surface de l'échiquier l'action de la partie ( geste du pinceau, déréglement des cases ) des éclats de pièces du jeu jonchent parmi des débris de bois, verre, fer…collage sur panneaux de bois et acrylique sur bois de 25 x 25 cm à 100 x 100 cm, une trentaine d'œuvres de 1991 à 1993.
Improbable réalité "Une partie jouée et peinte est une improbable réalité.Réalité : car elle a vraiment eu lieu ; avec un espace, même si celui-ci peut se dématérialiser (partie sur Internet) ; avec des protagonistes, même si ceux-ci peuvent être de natures différentes (ordinateur) ; avec une durée, variable mais quantifiée. Certains de ces éléments sont d'ailleurs intégrés dans le titre du tableau.Improbable : car l'espace proposé est un état final que chaque coup a modifié. Les joueurs n'y sont qu'infimement représentés, une seule de leurs constructions mentales y apparaît. Le temps se réduit à un instant mémorisant les traces superposées du déplacement de chaque pièce sur la surface de l'échiquier, support visuel du jeu. La partie jouée peinte s'apparente alors un peu à une nature morte avec ses certitudes et ses Vanités". Dominique DIGEON, Hossegor, juin 1998

" Les fabuleuses combinaisons de Dominique Digeon " par Nathalie Bardou Europe Echecs

" Les bocaux de pigments de couleurs s'affichent en maîtres sur l'étagère au dessus de la table de travail. Entre les papiers, les collages, s'expose un échiquier électronique. Il est 12 h 30 dans l'atelier d'artiste-peintre de Dominique Digeon. Toile de fond de ses oeuvres, les Echecs se sont promus au rang de chef d'orchestre dans la mélodie de son inspiration .A cette heure de la journée, à travers le monde, les issues finales de parties sont incalculables. Et pourtant chez Dominique Digeon, elles se dénombrent soigneusement. Pour preuve, son ouvrage édité en 1999 dans lequel apparaissent les parties mythiques de Kasparov contre Deeper Blue en 1997 et plus récemment celles de Napoléon contre l'automate qu'il a mis en scène sur la toile et présentées lors de sa dernière exposition à la gallerie Oudin en juin à Paris. Dans la lignée d'un Man Ray ou d'un Marcel Duchamps, Dominique Digeon peint, dessine, grave, et colle sur le thème des Echecs. Une partie au nom mythique, comme"l'Immortelle" (Anderssen-Kiersetsky-Londres,1851) ou encore celles de Kasparov, le pretexte est tout trouvé pour ce novice des variantes qui retranscrit sur la toile le parcours des pièces. De ses débuts où il exprimait la "mémoire de la surface", traînées confuses de déplacements de pièces, l'artiste est passé à une recomposition complexe des parties. Le support carré sur lequel il travail est toujours comblé d'un échiquier en fond. Les joueurs n'apparaissent quasiment jamais de même que les pièces en perspectives. A ces dernières, l'artiste leur a préféré une nouvelle forme inspirée du déplacement des figures sur l'échiquier. Une innovation qu'il a déposé à L'Inpi (Institut nationale de la propriété industrielle).Cette vision du jeu d'Echecs à distance prive cependant ces oeuvres de mise en scène.Pas de moments forts dans ses "parties peintes" mais une succession de coups sans liens temporels. "Je ne cherche pas à faire de l'illustration mais de l'art", répond ce dernier.Un style particulier pour cet homme qui ne s'est jamais cantonné à un seul. La peinture, il l'a découvre à 11 ans. En 1993, il obtient le prix Pierre Cardin de l'Institut de France, Académie des Beaux Arts de Paris. Agrégé d'Arts Plastiques en 1994. De temps à autres, les Echecs entrent dans sa classe pour devenir le support d'un travail sur la perspective. Dominique Digeon découvre les Echecs presque en même temps que la peinture. En 1991, il répond à une commande d'affiche pour illustrer le championnat de France. Son oeuvre ne sera pas sélectionnée mais ce travail lui ouvre les portes sur une nouvelle source d'inspiration. "Les Echecs sont comme un fil d'Ariane pour moi", résume-t-il. Il y récupèrera certains éléments qui stucturent aujourd'hui ses autres oeuvres.